En Bref : vente d’un Klimt entre record et déception; Max Pechstein dans le Top 100 mondial

[03/05/2024]

Entre record et déception, Le Portrait de Miss Lieser de Gustav Klimt

Tous les regards ont convergé vers Vienne le 24 avril, impatients d’assister à une vente aux enchères d’exception, celle du “Portrait de Mademoiselle Lieser” (Bildnis Fräulein Lieser), l’un des plus magnifiques témoignages de la dernière période créative de Gustav KLIMT. Après un siècle d’absence mystérieuse, cette œuvre énigmatique faisait enfin surface, suscitant l’émerveillement.

Chef-d’œuvre rare sur le marché de l’art, le supposé portrait de Mademoiselle Lieser (l’identité du modèle demeure énigmatique) présente une figure sereine, vêtue d’un manteau richement orné de fleurs, capturée avec une sensibilité naturaliste saisissante. Dans d’autres parties du tableau, on découvre la liberté picturale d’un Klimt au sommet de son art.

Les attentes étaient élevées pour cette œuvre exceptionnelle, cependant, l’estimation haute de 53 millions de dollars semblait prudente comparée aux records récents de Klimt, notamment les 108,7 millions de dollars obtenus en juin 2023 pour “Dame mit Fächer” (1917-1918). Finalement, le “Portrait de Mademoiselle Lieser” fut adjugé dans la partie basse de la fourchette d’estimation de la maison im Kinsky, pour 32 millions de dollars, à une collection privée de Hong Kong, HomeArt. L’acquéreur s’est engagé à mettre l’œuvre à disposition du musée du Belvédère à Vienne pendant trois mois, offrant ainsi un accès privilégié au public autrichien qui abrite déjà le célèbre “Baiser” de Klimt.

Le destin tumultueux du Portrait de Mademoiselle Lieser a été assombri par les incertitudes entourant sa provenance. Selon le quotidien Der Standard, des documents d’archives conservés dans un musée autrichien suggèrent que la toile aurait pu être confiée par Lilly Lieser à un membre de son personnel, avant de disparaître lors des déportations de la fin de 1943. Réapparaissant plus tard entre les mains d’un commerçant nazi, elle aurait ensuite été transmise à sa fille, puis à des parents éloignés. Cependant, pour la maison im Kinsky, cette théorie reste une hypothèse parmi d’autres, d’autant que jamais l’une des trois descendantes des Lieser, toutes ayant survécu, n’a réclamé la toile, contrairement à d’autres biens de la famille.

Bien que le Portrait de Mademoiselle Lieser ait été entaché des zones d’ombre entourant sa provenance, cette vente reste significative, marquant le retour d’une œuvre majeure dans le pays d’origine de l’artiste et établissant un record historique pour le marché de l’art autrichien.

 

Max Pechstein : Abend in der Düne, une toile pivot de 1911

En l’espace d’une année seulement, l’artiste allemand Hermann Max PECHSTEIN (1881-1955) a réalisé trois ventes aux enchères exceptionnelles, chacune dépassant les deux millions de dollars. La dernière en date, Abend in der Düne, adjugée à 3,1 millions de dollars chez Christie’s Londres en mars, s’érige comme la cinquième oeuvre la mieux vendue de l’artiste aux enchères, hissant Pechstein parmi les 100 artistes mondiaux les plus performants sur le premier trimestre de l’année.

Cette huile sur toile a été créée dans un élan créatif extraordinaire durant l’été 1911, alors que Pechstein, récemment marié, passait l’été avec sa nouvelle épouse, Lotte, dans le village de pêcheurs baltique de Nidden. Les peintures réalisées par Pechstein au cours de cet été mémorable marquent un moment déterminant dans sa carrière de l’artiste, une évolution significative par rapport aux peintures déjà radicales de personnages dans la nature qu’il avait créées l’été précédent.

Abend in der Düne est l’un des tableaux les plus ambitieux et les plus aboutis de 1911. Représentation de quatre figures féminines nues vivant collectivement dans un environnement chaleureux et apparemment exotique, il s’inspire des peintures de baigneurs antérieures de Cézanne et des Fauves et imite en particulier les aspirations de la période tahitienne de Paul Gauguin. La pose du personnage central rappelle notamment Les Tahitiennes se baignant de Gauguin, aujourd’hui exposé au Metropolitan Museum of Art de New York.

Exposées à la Nouvelle Sécession de Berlin puis à la galerie Paul Cassirer, les œuvres de 1911, dont Abend in der Düne, ont solidifié la réputation de Pechstein en tant que l’un des principaux représentant de l’esthétique de Brücke dans la ville.